La minorité invisible de l’Église de la Réconciliation

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Un vide. Immense. Conduisant de jeunes gens directement à la rue. Nécessitant en retour le déploiement de forces solidaires. Christian De Laroque, 53 ans, pasteur baptiste, accueille dans son église douze mineurs étrangers isolés. Tapis de sol et sacs de couchage. Faute de mieux.

Dans l’attente d’un jugement, ces jeunes migrants vivent dans un vide juridique.
« Au moins, ils sont en sécurité et au chaud. Plusieurs ont déjà passé quelques nuits dehors. Certains ont même disparu de façon inquiétante… » Rue d’Arras. Église de la Réconciliation. Christian De Laroque, 53 ans, pasteur, s’active en tee-shirt au milieu d’une douzaine de jeunes Africains venus du Congo, de Guinée ou du Cameroun… Le samedi matin, c’est opération nettoyage. Personne ne rechigne. « Cela a débuté avec l’accueil d’une mineure, puis d’un autre. Aujourd’hui, nous abritons une douzaine de personnes… » Un tapis de sol, des sacs de couchage et la salle de culte se transforme en dortoir. Bondé.
Christian De Laroque fait, lui, face à un vide juridique. Tant que l’administration n’a pas confirmé ou infirmé le statut de mineur étranger isolé des principaux concernés, tous vivent dans un flou administratif. Kafka grandeur nature. L’aide sociale à l’enfance ne les reconnaît pas. Le 115 affirme qu’il n’a pas vocation à s’occuper d’eux. Les pinces de la tenaille se referment. Implacablement. « On les lâche dans la rue. C’est dommage. Ce sont tous des gars bien. Tout le contraire de délinquants. On ne sait pas ce que le désespoir peut les pousser à faire », glisse le pasteur.
Une histoire tellement lourde
Yannick, 16 ans, originaire de Kinshasa, une histoire familiale tellement lourde qu’il n’a pas envie d’en parler « sous peine de pleurer », livre qu’il a atterri à Paris en novembre 2013. « Je ne savais même pas que je venais en France. » Il a pris un train pour Lille et a été lâché dans la nature par son passeur. De foyers en plans d’urgence – trois jours à dormir dans un café, une semaine dehors –, il a réussi à récupérer quelques papiers, envoyés par le directeur de son école, qui devraient prouver son état. « Mon avocate se penche sur mon dossier jeudi. » Yannick espère pouvoir un jour travailler dans l’électricité ou la plomberie. En attendant, il arrive, comme ses amis, tous les soirs entre 18 h et 20 h à l’église et la quitte le matin vers 8 h. Sans but précis. « L’ association Aïda leur donne à manger à midi, sinon les Restos du cœur les aident aussi. »
Un pis-aller face à un flou juridique. Faire reconnaître leur minorité passe par un jugement, des procédures longues et lourdes dans un pays dont ils ne connaissent pas les usages. « Il manque une association qui puisse s’occuper de leurs papiers, leur permettre de faire face aux frais administratifs, de répondre aux demandes des juges… Il faut également que le 115 accepte de les prendre en charge. » Christian De Laroque, qui a vu, en un an, passer « une centaine de mineurs », est aux avant-postes. Mieux que personne, il mesure leur galère quotidienne. La nécessité d’accélérer les procédures, de nettoyer la loi. « Soixante ans après l’appel de l’abbé Pierre… » Ou quand la minorité rend invisible.

 

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