Se tenir près de Jésus

Catégories : Paroles de dimanches

Matthieu 11.28-30
« Venez auprès de moi »

Dans son livre « Devenir disciples », D. Bourguet (pasteur) écrit : « Devenir disciple : programme de toute une vie, non pas à cause d’une incompétence du maître mais à cause de l’opacité de nos esprits, des résistances de nos coeurs, de l’incohérence de nos désirs. »

C’est un long travail d’apprentissage, une formation continue.

En grec, le mot « disciple » et le mot « apprendre » ont la même racine. Le mot « apprendre » a été prononcé une seule fois par Jésus : « Apprenez de moi » (= « Soyez mes disciples « ).

Comment Jésus souhaite-t-il qu’on apprenne de lui ? Comment pouvons-nous devenir disciples ?

Le jour de leur vocation, Jésus dit à ses disciples : « Venez à ma suite ».

Aujourd’hui il nous dit : « Venez auprès de moi. » (Plus grande proximité). Il nous entraîne dans sa suite, dans un mouvement. Et puis dans cette marche il propose une pause, le temps d’un enseignement. Cette pause est d’autant plus nécessaire que Jésus s’adresse à des personnes « fatiguées », « chargées », qui ont besoin d’un temps d’arrêt, et de repos.

Si nous sommes fatigués, dans les difficultés affectives, sociales, dans le tourbillon de la vie qui va un peu trop vite, le Maître Jésus nous propose une petite pause pour l’écouter nous encourager, nous restaurer. Le Seigneur est attentif à nos fatigues.

« Portez mon joug« 

Entre « Venez à moi » et « Apprenez de moi », Jésus prononce « Portez mon joug », comme une condition pour être enseigné de lui.

L’enseignement ne va pas être proposé sur des bancs d’école mais sous un joug !

Pas au niveau théorique mais d’emblée dans les conditions d’un travail pratique : le joug est un instrument de travail. L’enseignement ne sera pas donné dans une synagogue mais dans la vie de tous les jours.

Libres ou esclaves ?

Contexte de la culture romaine : le joug est le symbole de la soumission au vainqueur. Les vaincus devaient passersous le joug.

Avec Jésus, « portez mon joug », c’est différent. Ce n’est pas une soumission servile. Le joug n’est pas un instrument de guerre mais un outil de travail et d’apprentissage.

Dans la Bible porter un joug est un travail fatigant évoquant l’esclavage. Israël porte le joug de l’Egypte (Lév.26.13), de l’Assyrie (Esaïe 14.25), de Babylone (Jér.28.2).

Mais ici Jésus ne se présente pas comme un maître dominateur. Il n’impose pas son joug, il le propose. Il n’asservit pas, il invite, et l’invitation est adressée à des gens libres. Jésus invite donc à un travail libre, pour apprendre à connaître Dieu. Quel est ce travail ? Tout travail effectué au nom du Christ ! (diaconie, ou travail intérieur, travail sur soi) = tout ce qui se fait sous le joug du Christ, sous son autorité, dans le quotidien de nos vies, tout cela est le lieu d’apprentissage où se forme le disciple.

Venez à moi, vous qui êtes fatigués et chargés

Paradoxe du joug proposé à des gens fatigués et chargés. Proposer un joug, c’est donner une charge supplémentaire. C’est choquant ! La vie est déjà assez pénible, et le quotidien assez lourd sans porter un poids supplémentaire. Est-ce cela la proposition de Dieu ? Prenons le temps d’écouter les paroles de Jésus.

La grâce du joug

Le joug se porte à deux. Il faut une paire de boeufs sous un joug. Le joug est posé sur deux nuques reliées entre elles.

En proposant un joug, Jésus ne veut pas accabler celui qui souffre et qui peine déjà sous la charge, mais au contraire reporter la charge sur deux en adjoignant une autre personne. Proposer un joug, c’est donc alléger sa charge de moitié. Cela n’enlève pas tout mais c’est quand même un immense soulagement, une véritable grâce.

Jésus ne se présente pas comme celui qui va supprimer toutes les difficultés de la vie, comme par « magie ». Ce serait faux de faire croire à un disciple qu’il n’aura plus rien à porter (problèmes, difficultés, revers, échecs, tentations etc…). Jésus n’ouvre pas le chemin du rêve ou de l’illusion. Il fait face à la réalité en proposant un allègement, un soulagement.

En plus la proposition de Jésus vient faire disparaître une dimension très importante : celle de la solitude.

Le fardeau porté est d’autant plus léger qu’il est partagé avec quelqu’un et que le poids de la solitude disparaît, ce qui rend aussi plus légers les fardeaux de la vie.

Qui sera cet autre qui va venir prendre place à mon côté sous le joug proposé par Jésus ?

Qui va porter avec moi le fardeau de ma vie ? (mes responsabilités, mes difficultés, échecs…).

Regardons de plus près ce qu’en dit Jésus.

Portez mon joug

« Venez auprès de moi », « Venez à côté de moi ». Éclairage : l’autre à mon côté, c’est Jésus lui-même ! Son joug est bien le sien, le joug qu’il pose sur mes épaules en même temps que sur les siennes, pour se joindre à moi et partager ainsi mes fatigues et mes peines, mes fardeaux, ce qui accable mon âme.

Quelle bonne nouvelle pour ma vie !

Quel amour et quelle humilité de Jésus qui m’invite à m’approcher de lui pour qu’il se trouve à mon côté afin de porter avec moi le fardeau au quotidien de ma vie !

Voilà un Maître qui se met au côté de son disciple, au même niveau que lui, pour s’atteler avec lui à la tâche du quotidien !

Quel allègement pour le disciple, quel soulagement, quel bonheur aussi de voir disparaître le poids de la solitude pour un compagnonnage extraordinaire au pas à pas de l’existence !

Non, il ne ment pas quand il dit que son joug est doux et son fardeau léger.

« Venez à moi… et je vous donnerai du repos« . A recevoir sans modération, avec gratitude. Aussi à transmettre à tous les « fatigués » de la terre : « Venez à lui, il vous attend pour porter avec vous le poids de votre vie. »

Un long apprentissage

Porter un joug ne s’apprend pas en une année. Ce n’est pas facile de se « contraindre » : s’apercevoir que cela est nécessaire pour bénéficier de la proximité du Christ. Car sous un joug, on est proche, à chaque pas…

« Apprendre à être disciple, apprendre à porter le joug, c’est apprendre à rythmer son pas sur celui d’à côté, apprendre à rythmer son pas sur celui du Christ : c’est l’effort de toute une vie… »

C’est aussi apprendre à marcher dans le même sens sous la conduite du bouvier qui conduit, qui est le Père auquel le Christ obéit. Vivre aussi avec le Christ, dans une même obéissance à Dieu : c’est l’affaire de toute une vie. C’est très exigeant, mais aussi une immense grâce ! Car sous un joug, chacun s’adapte au pas de l’autre, au rythme de l’autre, à l’effort de l’autre, ce qui signifie que Jésus, dans son humilité, s’efforce de s’adapter lui-même à mon propre pas, pour ralentir si je faiblis, pour pallier au mieux à mes défaillances, pour m’encourager afin que je ne renonce pas, que je ne désespère pas…

Christ ne se dédie pas, il ne démissionne pas, il reste à mon côté, coûte que coûte.

Même si le Christ partage son joug avec son disciple, il reste le Maître, enseignant au disciple à marcher sous le joug. (exemple : apprentissage d’un jeune boeuf encore un peu sauvage ; on lui attelle un vieux boeuf expérimenté sage et docile… C’est le meilleur apprentissage.

Marcher sous un joug, c’est une école de confiance mutuelle (Christ et moi), d’attention à l’autre et d’obéissance en commun. Le Christ fait confiance à son disciple quand il marche avec lui et cette confiance devient une force supplémentaire qui allège encore le poids de la charge !

Mon joug est doux

Le joug est fixé sur les bêtes avec des courroies et des liens qui les unissent étroitement.

Quel lien nous attache au Christ, sinon le lien de l’amour ? Le joug qui nous unit au Christ, c’est l’amour. Et la douceur du joug, c’est la douceur de son amour. Voilà pourquoi le fardeau devient léger !

Porter sa croix

L’image du joug proposé aux disciples est très proche d’une autre image proposée elle aussi par Jésus à ses disciples :

Matthieu 16.24
« Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. »

La croix est aussi incontournable que le joug pour le disciple. Dans les deux cas il s’agit de « porter » sa croix et « porter » le joug.

Mais il y a deux différences :

– 1) « mon joug », et « sa croix ».

– 2) Le joug se porte à deux, la croix se porte seul. Cependant, même Jésus n’a pas porté sa croix seul, il n’y est pas arrivé. Il y a eu (dans les trois évangiles) Simon de Cyrène, qui était derrière lui, silencieux. Jésus a senti sa présence et le poids de la croix a été allégé pour un temps.

Qu’apprenons-nous de Jésus ?

« Je suis doux et humble de coeur« 

L’humilité et la douceur, voilà ce que Jésus nous propose d’apprendre de lui. Pourquoi ces deux vertus en particulier ? Parce qu’elles sont les plus utiles à quiconque porte un joug. Plus une bête est douce et humble, et plus son joug devient léger, et aussi plus léger sur les épaules de l’autre.

Le douceur et l’humilité sont deux qualités essentielles pour le compagnonnage avec le Christ.

Être sous le joug avec le Christ, c’est découvrir combien il est doux et humble, et en être le premier bénéficiaire.

« Plus on chemine dans la foi, au quotidien de l’existence, et plus on mesure à quel point le Seigneur est doux et humble envers nous, à quel point c’est une bénédiction de marcher à ses côtés, plus on s’efforce de devenir soi-même doux et humble de coeur pour marcher en meilleure harmonie avec lui. »

La douceur

Immense bienfait pour le compagnon d’attelage, elle évite des souffrances : gestes brusques, rebuffades font mal à l’autre.

Le Christ est doux et nous bénéficions de cette douceur sous le joug, au pas à pas du quotidien. Et sa douceur nous enseigne à devenir doux à son contact, à son image, donc à être doux et docile avec le Christ, et doux avec nous-mêmes et les autres (respectueux). Docilité et obéissance vont ensemble.

L’humilité du coeur : conclusion

Sous le joug, au pas à pas, et côte à côte avec le Seigneur, l’Esprit Saint nous donne de découvrir petit à petit l’humilité du Christ, de découvrir chaque jour un peu plus l’humilité de Dieu qui nous transforme petit à petit, qui change notre regard pour entrer contemplatif dans les mystères de Dieu.

Prendre le temps chaque jour (relecture) pour connaître, reconnaître et se réjouir du pas à pas, côte à côte avec Jésus Maître et compagnon.

Didier Benkemoun